Alain Baraton : l’homme qui murmurait à l’oreille des arbres.

Alain Baraton

Ce n’est pas le déluge apocalyptique qui régnait ce soir-là  sur le Genevois qui décourageait les fans d’Alain Baraton de converger vers le Centre de Convention d’Archamps. Vendredi 8 novembre, ils étaient prêts de 300 à avoir Rendez-vous avec celui qui a voué sa vie aux jardins royaux de Versailles.

« Au moyen-âge, jardiner voulait dire faire l'amour à la femme d'autrui ! Mais avoir la main verte, ne signifie pas forcément prendre des râteaux ! » alerte avec humour Alain Baraton.

Le jardinier n’est pas non plus cette image d’Epinal, un homme à la tête de chou ou au chapeau de paille, en tablier vert et bottes en caoutchouc, les deux pieds dans la boue et un poireau à la main. Le jardinier cultive un jardin secret, mais pas que. Il ne se cantonne pas non plus à tailler ses buis et tondre la pelouse. Non, le jardinier observe et écoute la nature, tente de la comprendre, de cohabiter avec elle, sans la juger, ni tenter de la dominer.

« Un beau jardin n’est pas forcément taillé au cordeau, il dégage des sentiments, une harmonie, c’est un lieu de vie, un éden que l’on quitte à regret ».

Les arbres nous parlent, il faut savoir les écouter.
L’homme a appris à aimer les arbres aux côtés de son grand-père qui était luthier. En effet, l'art de ces artisans qui fabriquent des instruments de musique commence avec le choix des bois employés, déterminant pour l'esthétique de l'instrument et surtout pour la qualité sonore.
Les observer, les écouter, car ils peuvent exprimer la crainte ou la souffrance, tout comme la joie de vivre. Le chêne, symbole de longévité et d’élégance, est son préféré. « J’ai toujours pris des décisions  importantes au pied d’un arbre » confie le royal jardinier.
« Je n’aime pas que l’on taille les arbres. Tailler les branches, c’est comme couper les cheveux, cela ne les renforce pas, regardez les miens ! » Un arbre taillé aurait une espérance de vie plus courte, environ 150 ans, à plusieurs centaines d’années pour ceux que l’on ne taille pas.

Les jardins de Versailles en 1994 © Pascale Weber
Les jardins de Versailles en 1994 © Pascale Weber
Les Jardins de Versailles aujourd'hui - wikipedia
Il a la main verte, mais pas la langue de bois.
Bien sûr la tempête de 1999 a été un traumatisme, mais finalement cela a permis de reconstruire les jardins de Versailles selon les plans et la perspective dégagée imaginés par Le Nôtre à l’époque de Louis XIV. « Le Nôtre qui d’ailleurs n’était pas un jardinier, mais un architecte de jardin, qui ne s’intéressait pas aux plantes, ni à la transmission de son œuvre. Certes, c’était un génie, mais il n’a pas su partager contrairement à Jean-Baptiste de la Quintinie. Celui ci créa le potager du roi, fut précurseur des cultures de primeurs, de l’acclimatation des espèces fragiles, figuiers, melons, orangers,…avant de devenir directeur des jardins fruitiers et potagers de toutes les maisons royales. »
Alain Baraton et une centaine de jardiniers oeuvrent donc à la conservation de notre patrimoine, avec la contrainte de visiteurs, plus de 10 millions chaque année, des nombreux événements qui ont lieu à Versailles, des expositions dans le château et dans le parc. « L’art contemporain à sa place à Versailles, mais que l’on s’extasie devant un homard géant suspendu dans la galerie des glaces ou un arbre mort-scultpture à plusieurs milliers d’euros dans les allées je ne comprend pas. Les arbres morts, il y en des dizaines dans les bois et ceux là n’intéressent personne ! »

On récolte ce que l’on sème.
« Mon rôle de jardinier est de faire vivre l’héritage du passé, de transmettre aux générations futures. » Faire preuve de patience et de sens de l’observation sont les qualités principales de jardinier. De beaucoup d’amour et une passion sans limite également, pour accompagner la nature, la magnifier.
« Après la tempête nous avons décidé de limiter l’emploi de pesticides ou « phytosanitaires » terme « politiquement plus correct ». C’est avec bonheur que l’on a vu réapparaître les oiseaux, hirondelles entre autres, les insectes comme les libellules dans les jardins de Versailles. »
Les arbres sont indispensables à notre vie, à notre équilibre, à nos racines. Ils ne sont pas uniquement du bois de chauffage ou de la pâte à papier en devenir. Ils sont nos racines, notre oxygène. Un thème repris par le film « Il était une forêt » de Luc Jacquet qui sort sur les écrans ce mercredi 13 novembre.

Prochain Rendez-vous d’Archamps :
Vendredi 06 décembre : Christophe Faure "Maintenant ou jamais : la transition du milieu de la vie"


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